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    Entretien N°6 : Olivier Letréguilly

 

Tu étais permanent au sičge de la Fédération Française des Echecs, te voici maintenant responsable d’un maison d’édition orientée vers les échecs. Une reconversion réussie ?

 

Olivier Letréguilly  : Il est encore trop tôt pour le dire. Mais je pense qu’il est important de faire un travail que l’on aime, et comme j’aime les livres et les échecs… Et on manque vraiment de livres d’échecs en langue française. Quand, avec Jean-Claude Loubatičre, on a décidé qu’il fallait commencer ŕ y remédier, j’étais loin de me douter que cela m’amčnerait un jour ŕ créer une entreprise ! Mon travail pour la publication du Manuel des finales de Dvoretsky m’a fait découvrir un métier passionnant, et je remercie ceux qui m’ont fait confiance et donné les moyens de continuer cette aventure éditoriale dans le privé. Cela inclut bien sűr la nouvelle direction fédérale, et j’espčre que des solutions aussi satisfaisantes seront trouvées pour tous mes anciens collčgues de la FFE lors du transfert du sičge en région parisienne. Je fais confiance ŕ Jean-Claude Moingt pour ne laisser personne sur le carreau. Il est sűrement difficile de le réaliser quand on n’a pas fréquenté le secrétariat fédéral, mais il y a ŕ Montpellier une équipe trčs dévouée ŕ la cause de la FFE, et cela bien qu’elle soit payée des clopinettes.

 

joueurdechecs.com : Olibris, qu’est ce que c’est ? Olibris, pourquoi ?

 

Olivier Letréguilly  :C’est juste un nom. Comme c’est un peu lassant, ŕ la longue, d’épeler Ť L,e,t,r,é, e accent aigu, quoi, g, non : g, u, i, attendez c’est pas fini, deux l, i grec ť, je voulais un nom simple. Bien sűr, la racine liber ne t’a pas échappé, et le jeu de mots laid non plus. Quant au O…ou ŕ l’oli…

 

joueurdechecs.com : Je viens d’offrir ŕ mon fils le premier bouquin sorti chez Olibris. Je suis émerveillé : D’ailleurs, je lui ai déjŕ piqué ! Qu’est-ce qui t’a poussé ŕ publier cet ouvrage en français ?

 

Olivier Letréguilly  :Tu parles de Comment battre Papa aux échecs. Ton fils gagne déjŕ, pour que tu ailles lui piquer ses recettes ? Bon, on dirait que c’est ce qu’avait prévu Francis Delivré, qui a réalisé une trčs belle couverture rigolote. Pourquoi le publier en français ? Eh bien, voici le terrifiant secret, extorqué ŕ grand peine ŕ un avatar de M. Cyclopčde : pour bien choisir un livre ŕ traduire, il faut choisir un bon livre en pas français qui n’existe pas en français. Étonnant, non ?

 

joueurdechecs.com : Ce livre  va-t-il apporter Ť quelque chose ť de plus au jeune joueur d’échecs ?

 

Olivier Letréguilly  : Ben, oui… S’il le lit ! Et plus encore s’il le relit. Le principe est celui de la reconnaissance de schémas (ici, des schémas de mat). Quand tu vois un męme schéma se reproduire plusieurs fois, il finit par s’imprimer dans ta mémoire, et tu développes des automatismes qui font que quand tu le rencontres, tu l’identifies immédiatement. Une différence fondamentale entre un maître et un débutant, c’est que le maître dispose d’un énorme arsenal de schémas typiques bien assimilés.

 

joueurdechecs.com : Peux-tu nous dire un mot sur les autres ouvrages parus ou ŕ paraître chez Olibris ?

 

Olivier Letréguilly  :La tactique aux échecs pour les enfants, du męme Murray Chandler, est sur le męme modčle que Comment battre Papa aux échecs. Au lieu de schémas de mat, ce sont des astuces tactiques typiques (fourchette, enfilade, clouage, etc.). Un bagage essentiel pour commencer ŕ faire des parties intéressantes.

Les deux autres livres déjŕ parus, Une boussole sur l’échiquier et Leçons de stratégie aux échecs, s’adressent ŕ des joueurs plus expérimentés. Dans le premier, Xavier Parmentier donne un matériel formidable pour tous les joueurs qui veulent progresser, mais aussi pour tous ses collčgues entraîneurs et les animateurs. En plus, il introduit une méthode pleine de bon sens pour s’orienter pendant la partie. Et son style, comme  les nombreux dessins de Francis Delivré, devrait te plaire aussi, comme ŕ tous ceux qui ne croient pas qu’un livre d’échecs doive nécessairement ętre dénué d’humour.

Le second est un trčs bon traité de stratégie (il y a longtemps qu’il n’y en avait pas eu en français !).  Le grand maître et entraîneur Valeri Beim y traite de questions fondamentales dont beaucoup de joueurs ont une connaissance trop superficielle, en s’appuyant sur des exemples, anciens ou récents, que tout joueur devrait connaître.

D’autres traductions sont ŕ paraître : La stratégie créative aux échecs, d’Alfonso Romero, est un livre de haut niveau qui explique en profondeur des parties trčs instructives ; la traduction de Secrets of Practical Chess, de John Nunn, s’appellera probablement Les secrets de l’efficacité aux échecs et contiendra une mine de conseils pratiques trčs utiles pour la conduite de la partie. Si tu veux, on en reparlera dans quelque temps, ainsi que des autres parutions ŕ venir.

 

joueurdechecs.com : Tu joues toi aussi aux échecs. L’an dernier, tu as męme créé la sensation en Top 16.  Quel est ton plus beau souvenir de la saison ? Quelles sont les ambitions de Montpellier en 2005 / 2006 ?

 

Olivier Letréguilly  :Ta question me fait réaliser que, ŕ force de jouer dans une équipe oů je fais office de mazette, et oů il est donc bien rare que j’aie ŕ me consoler d’un naufrage collectif par l’excellence de mes performances, j’ai pris l’habitude de m’intéresser davantage au résultat de l’équipe qu’au mien.  C’est pourquoi je retiens surtout la victoire de Montpellier face ŕ Clichy, et celle obtenue contre Monaco le dernier jour, alors que j’ai été une proie facile pour Olivier Renet.

Je ne suis plus trčs bien placé pour parler des ambitions de Montpellier, vu que je joue cette année pour Saint-Affrique. Avec le niveau du Top 16 qui monte tout le temps, il était temps pour moi de laisser la place aux Ť djeunes ť. Je suis content que Romain Édouard ait accepté de s’y coller et lui souhaite de réussir de grandes performances avec Montpellier.

 

joueurdechecs.com : Une petite question…portant sur l’arbitrage (un rituel sur joueurdechecs.com !) : ŕ ton avis, quelles sont les qualités dont doit faire preuve un Ť bon arbitre ť ?

 

Olivier Letréguilly  : Oh, tu sais, je crois que c’est trčs facile d’ętre un bon arbitre. Il suffit d’avoir une connaissance parfaite des rčglements qui changent tout le temps, d’ętre en toute circonstance parfaitement objectif, impartial et incorruptible, d’ętre capable de saisir en un clin d’œil, au moindre incident, quelle est la solution plus ou moins réglementaire la plus appropriée (c’est-ŕ-dire d’avoir en matičre de psychologie la sensibilité d’un Dostoďevski, sang-froid et diplomatie en plus), d’ętre doté d’un circuit synaptique capable de détecter toute intervention électronique illicite, de parler toutes les langues du monde, d’avoir l’ouďe et la vue hyper développés (pas l’odorat, ce ne serait pas toujours confortable), d’avoir l’humanité d’un Francis Delboë (mais non, chuis pas fayot !), d’ętre assez fort en calcul mental pour pallier toute défaillance informatique, de savoir jouer aux échecs (si !) , de connaître par cœur le Manuel des finales, d’avoir lu tous les Olibris, et de démontrer une vingtaine d’autres qualités essentielles qu’il serait trop long de lister ici. Comme au foot, le bon arbitre est aussi un arbitre qui ne se fait pas remarquer, et dont l’autorité est indiscutable sans qu’il soit autoritaire. Du gâteau, quoi. D’ailleurs, en France, on a beaucoup de bons arbitres, la DNA fait un travail formidable – s’il y avait des Olympiades de l’arbitrage, je ne serais pas surpris que la France les remporte. J’en profite pour saluer tous mes copains arbitres !

 

© Progerix