Les liens Tout sur le webmestre Livre d'or Ecrire au webmestre Statistiques du site
 L'actualité
 Philosophie du site
 Les entretiens
 La plančte des arbitres
 L'univers des joueurs
 Sympa, ce tournoi !
 Les échecs insolites
 Rire est le propre de l'homme
 Les échecs, notre passion !
 Divers


 

 

Jean-Christophe BASAILLE, arbitre international, est le Directeur du Top 16. Il fournit chaque année des statistiques édifiantes portant sur le Top 16, d’une grande qualité et d’une grande valeur pour tous ceux qui s’intéressent ŕ la compétition échiquéenne. Mais les chiffres, aussi passionnants soient-ils, ne doivent pas nous empęcher d’aller ŕ la rencontre de l’homme en noir qui drive l’une plus impressionnantes compétitions par équipes qui soit !

 

Francis DELBOE : peux-tu te présenter en quelques mots sur le plan personnel ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : j’ai 49 ans, je suis marié, et nous avons un fils qui va sur ses 20 ans. Dans le " civil ", je suis informaticien, responsable systčme du centre de calcul et administrateur de la messagerie de l’université de Bourgogne (Dijon).

 

Francis DELBOE : et sur le plan échiquéen ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : j’ai commencé ŕ jouer au début des années 70. Je venais de découvrir le jeu, il y avait un club au collčge, j’y suis allé, j’y ai été bien accueilli, il était dynamique… La suite est donc venue naturellement. Sur le plan des responsabilités, je suis devenu Arbitre National en 1981 (cela s’appelait comme ça ŕ l’époque), puis Fédéral lors de la restructuration de l’arbitrage par l’équipe de Christian BERNARD, et International en 1999. Membre du comité directeur fédéral depuis 1996, et du bureau fédéral de 2002 ŕ 2004, président de la commission d’homologation de 1997 ŕ 2001 et de la commission technique de 2001 ŕ 2005.

 

Francis DELBOE : tu es arbitre international. Quel fut pour toi le facteur déclenchant, qu’est ce qui t’a poussé ŕ devenir un " homme en noir " ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : par la grâce de lumičre divine J . Non. Tout simplement. A un moment, je me suis plus senti attiré pas les responsabilités, la participation aux organisations, que par la compétition elle-męme et la progression dans le jeu. Et puis, un ami, Robert POLY, un des rares arbitre internationaux français ŕ l’époque et trčs actif au niveau fédéral, malheureusement décédé prématurément quelques années plus tard, a su le percevoir en moi. C’est lui qui m’a fait me rendre compte que je devais m’engager et continuer sur cette voie. Tu vois, c’est simple.

 

Francis DELBOE : depuis combien de temps es-tu Directeur du Top 16 ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : c’est en septembre 1992 que Jean-Claude LOUBATIERE m’a demandé de prendre cette fonction. C’était la Nationale 1 (qui est devenue le Top 16 ŕ partir de la saison 2004) J’en suis aujourd’hui ŕ ma quinzičme saison. Avec toujours autant de plaisir.

 

Francis DELBOE : pourquoi pas un Top 12, oů chaque équipe rencontrerait toutes les autres, plutôt que cet étrange systčme de 11 rondes pour 16 équipes avec une poule basse et une poule haute ŕ mi-parcours ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : pas si étrange que cela. Il est utilisé dans d’autres sports. C’est une formule qui a sa cohérence, avec préqualifications et phase finale. Un bref historique : quand j’ai pris mes fonctions, la saison 1993 était la derničre ŕ 12 équipes. La saison suivante s’est donc jouée avec 16 équipes,…et sur 15 rondes, tout naturellement. Les clubs ont cependant fait valoir que les coűts engendrés par ces 4 rondes supplémentaires n’étaient pas supportables, l’argument était clair et fondé, et la formule avec poule haute et basse a été adoptée ŕ partir de la saison 1995, pour revenir ŕ 11 rondes, financičrement plus tenables. L’origine de la formule est économique. La question s’est posée lors de la création du Top 16 (pour l’histoire, on avait envisagé N1 et N1B, mais le nom Top 16 s’est rapidement imposé). On pouvait profiter de la création d’une nouvelle division pour la ramener ŕ 12 sur un toutes rondes, tout en augmentant le nombre total d’équipes sur l’ensemble des divisions. Il y avait toutefois une autre idée, qui était de voir ŕ long terme en misant sur l’élévation du niveau des équipes. C’est cette politique qui a prévalu. Lors de l’évolution de la nouvelle Nationale 1 d’un groupe de 16 équipes ŕ deux groupes de 12 (elle a fonctionné comme le Top 16 une saison, mais les clubs ont rapidement montré leur désapprobation), nous avons essayé de passer ŕ un Top 12. Au sein de la commission technique, les avis étaient clairement en faveur de la formule ŕ 12, mais cela " ne passait pas " au sein des clubs du Top 16. La décision a été d’en rester au statu quo.

 

Francis DELBOE : mais l’intéręt sportif de ce systčme " 16 équipes en 11 rondes " n’est-il pas discutable ? Par exemple, en phase finale, certaines équipes n’ont rien ŕ attendre en poule haute, tandis que d’autres n’ont rien ŕ craindre en poule basse…avec des conséquences parfois cocasses, parfois agaçantes. C’est 100 fois pire que le ventre mou d’un vrai toutes rondes, tu ne crois pas ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : je n’ai jamais vu une équipe en haut de poule basse aborder la phase finale trčs décontractée J Elles se battent. Il y a toujours quelque chose ŕ craindre. Avec au final 4 relégués sur 8, il ne faut pas perdre trop de points, męme si on part avec une certaine avance. En poule haute, c’est en effet autre chose. Tout le monde le sait, il y a trois types d’équipes en Top 16, celles qui peuvent prétendre aux premičres places, celles qui vont lutter contre la relégation, et les habituées des places intermédiaires. La compétition n’est pas d’un niveau homogčne. Il suffit de regarder les résultats des matchs. C’est d’ailleurs l’argument majeur des tenants du Top 12. Il y a bien sűr des évolutions, des surprises, mais globalement, la paysage échiquéen du Top 16 est clair,. En fait, cette distinction nette entre les niveaux extręmes fait que le résultat pour le podium et les relégations ne serait pas fondamentalement modifié avec 15 rondes. Par rapport ŕ un toutes rondes, il manque 4 matchs entre poule haute et poule basse, dont les pronostics sont assez simples. Il y aurait quelques changements en milieu de classement, mais probablement pas sur le podium ou en descente. Mais, comme tu dis, le manque d’intéręt des équipes de la poule haute qui ne prétendent pas au podium ou qui visent simplement le maintien a faussé par le comportement de certaines la compétition sur le plan sportif, męme si les clubs concernés expliquaient clairement leur politique, et étaient cohérents. C’est cela qui est le plus gęnant. En fait, le rčglement n’a pas été adapté ŕ l’époque ŕ la formule. Celui en vigueur depuis cette saison l’est plus, sur cet aspect des choses. Cela a joué fortement dans les nouveautés concernant le Top 16.

 

Francis DELBOE : la FFE est enfin revenue ŕ un nombre pair d’échiquiers, comme jadis. Aux échecs, oů il importe de donner ŕ chaque équipe le męme nombre de fois les blancs, c’était un comble ! Peux-tu nous expliquer pourquoi la FFE avait opté pour 9 échiquiers ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : quand j’ai commencé ŕ assumer ce rôle, les équipes se composaient déjŕ de 9 joueurs. Je pense que la décision de la présence obligatoire d’une féminine dans les équipes n’est pas totalement étrangčre ŕ ce passage de 8 ŕ 9…

La question de la " parité " entre les blancs et les noirs dans les équipes a été au centre des résultats de certains sondages envers les clubs. Il y a męme eu des propositions de passage ŕ 10 joueurs, avec présence d’un jeune ! Economiquement, cela a été jugé intenable. C’est aussi pour des raisons économiques, en plus du choix de revenir ŕ la parité, que nous avons décidé le retour ŕ 8 ŕ partir de la saison actuelle. Tout en en profitant pour simplifier les rčgles concernant les joueurs étrangers.

 

Francis DELBOE : chaque année, la Commission Technique réforme les rčglements régissant les divisions nationales. Tu en fus le président. Peux-tu nous expliquer comment fonctionne la CT ? Vous ętes combien ? Vous vous réunissez souvent ? Qui désigne les membres ? Les débats sont-ils houleux J  ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : je ne voudrais pas parler ŕ la place de mon successeur, Sylvain RIVIER. J Mais, sur ce que j’en ai vécu pendant la période 2001 – 2005 avant de lui transmettre le témoin : il y a 11 membres. Plus le président fédéral et le directeur technique national, membres de droit. Il y a 3 réunions par an. Le mail est un nouvel outil de travail qui s’est imposé depuis un peu plus de trois ans. Cela nous a permis de prendre des décisions rapides lorsque la situation le demandait. Non pas sur les évolutions du rčglement, mais sur leur application et leur interprétation. Quant aux réformes, elles sont plutôt rares. Les rčglements évoluent, mais ne se modifient pas fondamentalement tous les ans. La derničre évolution majeure est celle du Top 16, avec une notion d’équipe clairement renforcée.

Les débats sur les rčglements ont été parfois assez houleux, oui… Chacun a ses idées, son vécu du terrain, sa connaissance des clubs et des équipes, et sa mission ŕ cœur. Si sur beaucoup de choses, tout le monde est d’accord, certains points ont été l’objet d’âpres débats. La synthčse ou le consensus ne sont pas toujours faciles. Il y a un moment oů il faut arriver ŕ trancher. Par un vote. Et parfois aussi, il est arrivé que le męme type de débat se produise ensuite au comité directeur (qui doit approuver les propositions de la CT) J

Mais je préférais cela ŕ une assemblée de personnes sans opinion ni personnalité, d’oů il ne sortirait finalement pas grand-chose. J’arręte lŕ. Pour aller plus en profondeur, je laisse la parole ŕ Sylvain.

 

Francis DELBOE : en Top 16, est-il fréquent ou rarissime de sanctionner des équipes pour non-respect de tel ou tel point réglementaire ? Peux-tu nous livrer quelques anecdotes croustillantes ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : c’est rare. Une saison normale est une saison sans sanction. Les capitaines de Top 16 sont des personnes d’expérience, et qui prennent ŕ cœur leurs compositions d’équipe. L’enjeu est important. Je suis réguličrement " assailli " (c’est un peu exagéré) de questions de la part de clubs qui veulent vérifier qu’ils ont bien lu tel ou tel point du rčglement. Ils y apportent une attention particuličre. Il y a aussi des questions au moment de la phase finale, pour savoir oů placer tel ou tel joueur en fonction de la possibilité de norme. Sur le plan erreurs bętes, il y a eu en tout deux ou trois cas de " rčgle des 103 points " (oui, męme en Top 16), un cas d’un joueur qui n’avait pas le droit de jouer (trop de parties auparavant dans les divisions inférieures), et un ou deux cas de forfait pour cause de train raté. Le cas le plus marquant, mais pas croustillant, a été celui de la féminine d’un club que je ne citerai pas, il y a une dizaine d’années. Le club l’avait licenciée pour assurer l’échiquier féminin du Top 16. Le problčme est que peu de temps aprčs la premičre phase, il s’est avéré que cette féminine était en fait enregistrée ŕ l’état civil comme de sexe masculin. C’était en réalité un homme qui avait choisi de changer de sexe, mais qui avait quelque peu anticipé le dénouement de ses démarches. Je n’avais pas beaucoup de choix. Le club a fini la saison sans cette " féminine ".

 

Francis DELBOE : y a -t-il eu souvent saisine de la Commission d’Appels Sportifs pour le Top 16 ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : une seule fois. En 1996. Sur une de mes décisions, bien sűr, mais, désolé, je préfčre ne pas trop m’étendre lŕ-dessus J . En bref toutefois, cela portait sur l’interprétation de la rčgle, assez peu connue, des 30 jours au-delŕ desquels le résultat d’un match est homologué si aucune instance le concernant n’a été déclenchée. On s’est un peu battu sur la notion d’instance et de quand elle démarre. La commission m’a donné tort. Avec le recul, je ne suis en effet pas trčs content de ma gestion de cette affaire ŕ l’époque, mais on apprend aussi ŕ partir de ses erreurs.

 

Francis DELBOE : les clubs du Top 16 sont-ils consultés sur les rčglements actuels et ŕ venir ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : ŕ chaque finale, une réunion des clubs est prévue. Bilan de la saison, évolution du rčglement sont ŕ l’ordre du jour. De plus, depuis quelques saisons, le grandes décisions sont l’objet de sondages auprčs des clubs, pas seulement du Top 16 d’ailleurs. Trois exemples marquants : sur l’obligation d’aligner une féminine, les clubs ont eu des réactions mitigées selon la division, mais aucune tendance claire ne s’est dégagée pour faire évoluer ce point de rčglement. Sur le nombre d’équipes dans notre premičre division (Top 16 ? Top 12 ?), l’avis des clubs a été déterminant dans le choix du maintien ŕ 16 lorsque nous nous sommes posés la question de ramener la compétition ŕ 12 ŕ l’occasion de la réorganisation de la Nationale 1. Enfin, ŕ Asničres, lors de la derničre phase finale, c’est la réunion des clubs qui a permis de finaliser la nouveauté majeure de cette saison dans les compositions d’équipe.

 

Francis DELBOE : es-tu satisfait du travail fourni par les arbitres qui officient dans le Top 16 ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : joker J . Bon. Relativement satisfait. Je n’ai rien ŕ dire sur l’arbitrage en lui-męme, il n’y a quasiment jamais eu de faute. Sur la gestion technique (feuilles de match, délai des envois aprčs les rondes), cela pourrait ętre parfois mieux, mais d’une part je ne mets pas vraiment une pression énorme lŕ-dessus, d’autre part on demande de plus en plus aux arbitres plus de choses que dans les autres divisions, comme la saisie sur le site fédéral des résultats des parties en temps réel (particularité du Top 16), ou la saisie de parties. En bref, j’attache plus d’importance ŕ la qualité arbitrale elle-męme qu’ŕ la gestion des PVs et leur envoi dans les délais, ayant déjŕ toutes les informations nécessaires dčs la fin des matchs, ou presque.

 

Francis DELBOE : un jour, un arbitre-formateur s’est exclamé " il est souvent beaucoup plus difficile d’arbitrer un tournoi de poussins et de pupilles que le Top 16 " ! Qu’en penser ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : ce n’est pas la męme difficulté. On n’arbitre en effet pas des poussins comme des gmis qui ont des années de compétitions derričre eux. En Top 16, la qualité essentielle (en dehors des qualités fondamentales nécessaires pour ętre arbitre), est l’expérience du terrain et des joueurs de haut niveau, męme si sur le plan technique, il n’y a pas vraiment de problčme. Les équipes viennent pour jouer, les joueurs ont l’expérience de la compétition, il y a trčs peu de questions d’interprétation des rčgles, et ils savent s’adresser ŕ l’arbitre en cas de problčme. Un aspect trčs important est la gestion relationnelle avec les compétiteurs. Il est vrai que la tension est assez élevée, surtout quand on se rapproche de la derničre ronde.Les petits poussins, poussins, et pupilles c’est différent. Ils ne maîtrisent pas tous la compétition et ses rčgles. Ils ne te regardent pas non plus du haut de leur classement Elo s’ils ne te connaissent pas J L’arbitre a ici un rôle pédagogique primordial. Il ne doit pas par exemple infliger une sanction (ça fait partie de sa mission), qui ne serait pas comprise, ou qui serait vécue comme injuste. Un jeune ne réagit pas comme un adulte. Des vocations échiquéennes peuvent ętre brisées ŕ la naissance. Tout cela peut sembler trčs banal ŕ dire, mais c’est justement fondamental. Sur un autre point, les sources de tensions dans les compétitions jeunes ne sont pas tant entre les échiquiers qu’avec certains parents ou accompagnateurs. L’expérience du terrain est également trčs importante.

Il est vrai que si on n’est pas convaincu de tout cela, il est certainement beaucoup plus difficile d’arbitrer un tournoi de poussins qu’un match de Top 16. Pour ma part, je ne vois pas une compétition jeunes comme une difficulté particuličre, mais j’aborde mon rôle sous un angle différent.

 

Francis DELBOE : quel est ton pronostic pour l’édition 2006 / 2007 ?

 

Jean-Christophe BASAILLE : je verrais Clichy ou Paris Chess 15 pour le titre. Ce sont deux trčs fortes équipes. Ils ont eu la bonne idée de ménager le suspense en faisant match nul pendant la premičre phase J . Cela laisse les premičres places provisoires ŕ Mulhouse, Gonfreville et Cannes, mais il sera difficile pour ces équipes de les conserver.

© Progerix