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INTERVIEW JEAN BERTRAND

 

Jean BERTRAND fut un grand dirigeant fédéral, exemplaire ŕ plus d’un titre. Il a occupé avec dévouement le poste de trésorier sous la présidence de Jean-Claude LOUBATIERE. Une mission difficile, chacun le sait ! Puis il a été président, dans une période extręmement délicate. Il s’est retiré de la scčne avec discrétion. C’est un honneur et un plaisir pour moi d’interviewer un bénévole de cette trempe !

 

Francis DELBOE : peux-tu te présenter en quelques lignes ?

 

Jean BERTRAND : âgé de 60 ans, veuf depuis 4 ans, je suis l’heureux pčre de deux garçons. Retraité d’une grande entreprise publique, mon temps est trčs occupé avec deux mandats électifs : adjoint au maire de ma commune avec la responsabilité de l’urbanisme et vice-président d’une communauté de 12 communes et 50 000 habitants, en charge du développement économique.

 

Francis DELBOE : Dans le monde des échecs, on te connait essentiellement en tant que trésorier fédéral. Mais dans ta région et dans ton club, il me semble que tu t’es également beaucoup investi, non ?

 

Jean BERTRAND : je suis venu aux échecs dans les années 1986/87, alors que j’étais déjŕ adjoint au maire chargé des sports et de la culture. J’ai d’abord signé une convention avec la maison de la culture de Loire-Atlantique qui proposait ŕ l’époque une animation Ť ECHECS ť assurée par Yannick Berthelot. Puis, les jeunes des écoles ayant pris goűt et plaisir ŕ jouer aux échecs, c’est tout naturellement qu’avec quelques parents nous avons créé notre club dont j’ai assuré pendant une quinzaine d’années la présidence. La force de mon engagement m’a vite amené ŕ la tęte de la ligue des Pays de la Loire, pour succéder ŕ Rodolphe DUTT.

 

Francis DELBOE : Gardes-tu un bon souvenir du championnat de France que tu as organisé ŕ Sucé sur Erdre ?

 

Jean BERTRAND : c’est assurément l’un de mes deux meilleurs souvenirs échiquéens. Avec peu d’expérience des grandes manifestations, mais une volonté inébranlable de réussir, je pense qu’avec tous mes amis nous avons donné une autre dimension ŕ ces championnats. Comme me l’a dit ŕ l’époque Jean-Claude Loubatičre, Ť plus rien ne sera comme avant, tant vous avez innové sur bien des points ť. Je crois modestement que ce fut une belle fęte pendant une semaine Nous garderons sűrement un double record pense donc : des championnats de France organisés par un club qui n’avait que 5 ans, dans une ville de 5000 habitants !

 

Francis DELBOE : Pendant combien d’années as-tu été le trésorier de la FFE, aux côtés de Jean-Claude LOUBATIERE ? Etait-ce une mission facile J? Je me souviens par exemple de l’AG du Havre : le bilan financier n’était pas formidable, dirais-je pudiquement. Comment t’y es tu pris pour redresser la barre ? N’y a -t-il pas eu quelques frictions avec Loulou ?

 

Jean BERTRAND : de 1996 (AUXERRE) ŕ 2004 cela fait huit ans. La situation était telle que nous étions condamnés ŕ la redresser. Jean-Claude l’avait bien compris, et les premičres années ce fut assez facile. Mais c’est vrai que dčs que nous retrouvé une situation nette comptable positive, notre Président fut réguličrement Ť démangé ť par les dépenses, mais dans le seul but de faire avancer plus vite notre fédération. Toutefois, et les amis du bureau fédéral de l’époque peuvent en témoigner, il avait retenu mon argument : se constituer un fond de roulement permettant ŕ terme la prise de risques. Tu vois j’ai évoqué deux grands souvenirs, eh bien le second ce fut l’A. G. du HAVRE, quand Jean-Claude m’a dit tout simplement merci pour avoir été, selon lui, ŕ la hauteur de la situation.

 

Francis DELBOE : En quelques mots, que retiens-tu de JCL ?

 

Jean BERTRAND : ce fut, tout le monde en convient, un GRAND PRESIDENT. Il avait, une vision large et profonde de l’évolution possible de notre noble sport, tant au niveau de l’élite que de la masse, faisant de nos championnats de l’été, une grande fęte, avec les joueurs d’échecs, pour les joueurs d’échecs. Son sens du devoir, des responsabilités, son dévouement totalement désintéressé ne sont pas pręts de trouver leur pareil. Il a donné sa vie, au propre comme au figuré, ŕ notre fédération.

 

Francis DELBOE : Lors de la passation des pouvoirs, en 2005, les finances fédérales étaient-elles saines ?

 

Jean BERTRAND : OUI et plus que positives. Partis de 150 000 € de déficit, nous étions arrivés ŕ plus de 100 000 € d’excédent. Chacun a pu mesurer le chemin parcouru.

 

Francis DELBOE : lors de l’AG de janvier 2006, tu as prononcé un discours qui a marqué les esprits. Quelle en était la teneur ? Pourquoi demander le départ du trésorier en exercice ?

 

Jean BERTRAND : d’abord, bien que ce soit un jeu Ť politique ť habituel, je n’ai pas pu supporter que la nouvelle équipe n’assume pas les conséquences de ses choix. Qu’avait-elle ŕ craindre puisqu’elle clamait ŕ qui voulait l’entendre qu’une autre čre était devant nous ; que de nouveaux moyens financiers étaient sous signature. Qu’elle mette en place une nouvelle politique était concevable, qu’elle n’ait pas mesuré l’ampleur des moyens nécessaires passe encore, mais en imputer les conséquences ŕ l’équipe sortante c’était trop !. Tu vois c’est ce manque de courage qui m’a surpris et disons-le écoeuré ! Alors c’est vrai que je m’en suis pris au trésorier qui ŕ mes yeux avait été défaillant, je note que depuis il a été remplacé, mettons cela sur le compte du hasard.

 

Francis DELBOE : juste aprčs le décčs du président en exercice, en avril 2004, la solution de facilité aurait consisté ŕ n’assurer qu’un intérim d’un mois. D’un point de vue Ť électoraliste ť, cela aurait été la bonne solution…mais le Bureau Fédéral a choisi une autre voie, plus courageuse et plus orientée vers l’intéręt général. Pourquoi ?

 

Jean BERTRAND : je pense que chacun des membres du bureau fédéral était un peu désemparé. Nous n’avions bien sűr pas été préparés ŕ cette situation. Il fallait tout ŕ la fois encaisser l’épreuve, assurer le quotidien et organiser l’avenir immédiat avec de lourds dossiers en cours (les statuts !!! souviens-toi). Avons-nous retenu une mauvaise stratégie ? Je ne saurais le dire. Ce qui m’apparaît aujourd’hui évident c’est que seul Jean-Claude eut été capable de contrer l’équipe qui se mettait en place depuis plus d’un an déjŕ ! La seule chose que l’on puisse lui reprocher c’est de n’avoir pas su ou pu assurer sa succession.

 

Francis DELBOE : il est pourtant clair que ce choix compliquait terriblement tes chances d’ętre élu, puisque tu envisageais d’ętre président. Tu ne pouvais pas incarner le renouveau, la rupture comme on dit de nos jours. Pourquoi as-tu finalement renoncé ?

 

Jean BERTRAND : avec le recul, je pense que la campagne menée par l’équipe actuelle, et lancée 18 mois ŕ l’avance, surfant sur la vague du changement pour le changement, promettant une forme de rupture avec le passé, sans pour autant en préciser la portée, a été trčs Ť politique ť. Mais ce qui a été le plus surprenant c’est que ceux qui menaient cette campagne n’avaient jamais au sein du comité directeur dont ils étaient membres, fait des propositions d’évolutions, ou sollicité la prise en charge d’actions de développement. Dans ces conditions, et en l’absence de Jean-Claude LOUBATIERE, toute autre candidature ŕ la présidence devenait une candidature de témoignage. Pour ce qui concerne ma renonciation, elle n’a été due qu’ŕ des causes de caractčre tout ŕ fait personnelles.

 

Francis DELBOE : gardes-tu finalement un bon souvenir de cette longue période intermédiaire, d’avril 2004 ŕ janvier 2005, oů nous fűmes des punching-balls ? Eprouves-tu la satisfaction du devoir accompli ?

 

Jean BERTRAND : je garderai de cette période, un peu d’amertume. Aucun homme ne peut ętre parfait en tout point. Jean-Claude LOUBATIERE était un grand Président, et nous lui devions d’accepter ses faiblesses. Elles ont été exploitées et comme il n’était plus lŕ pour s’en expliquer, nous avons Ť payé la facture ť ! Oui j’ai la satisfaction du devoir accompli, regrettant toutefois que nos dirigeants actuels traitent un peu par le mépris ceux qui ont tant donné pour la F. F. E., se privant de compétences reconnues dčs lors que celles-ci refusent de leur faire allégeance (je ne parle pas pour moi).

 

Francis DELBOE : tu es l’un des meilleurs philatélistes made in France branché sur les échecs. Peux-tu nous parler de ta collection ? Collectionnes-tu d’autres objets liés au roi des jeux ?

 

Jean BERTRAND : j’ai effectivement grand plaisir ŕ me plonger dans mes albums de timbres et notamment de ceux qui ont pour thčme le jeu d’échecs. On y fait des découvertes, telle cette reproduction d’une partie entre A. KARPOV et V. KORTCHNOI oů l’échiquier est placé ŕ l’envers (case noire ŕ main droite), ou ces reproductions de partie dans lesquelles les pičces ne sont pas ŕ leur place ! Mais je collectionne aussi les pin’s d’échecs (clubs, ligues, fédérations, compétitions etc..), les cravates avec des pičces d’échecs, les affiches ou encarts publicitaires utilisant le jeu d’échecs comme vecteur de communication.

 

Francis DELBOE : joues-tu encore aux échecs ?

 

Jean BERTRAND : hélas non, mes activités ne me laissent pas assez de temps libre, mais comme je ne compte pas solliciter le renouvellement de mes mandats électifs, gageons que je saurai retrouver alors le chemin des salles de tournoi.

 

Francis DELBOE : c’est la coutume sur ce site, on parle souvent….arbitrage ! Que penses-tu du corps arbitral français ?

 

Jean BERTRAND : je ne peux parler que de l'époque oů Christian Bernard puis toi-męme avez présidé la DNA. Christian a su mettre sur les rails un cursus de formation qui fait encore ses preuves aujourd’hui. Quant ŕ toi, tu en as renouvelé l’esprit, porté l’expertise au plus haut niveau. Je suis fier d'avoir obtenu, au cours de mon mandat de président, ta nomination au sein du FIDE Rules Commitee et du FIDE Arbiters Council. C’est la juste reconnaissance de tes qualités.

 

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