Francis DELBOE : Peux-tu te présenter en quelques lignes, notamment sur le plan échiquéen ?

Christophe PHILIPPE : 31 ans, MI avec des normes réalisées en 2000 ŕ Liechfield (ENG), en 2001 ŕ Bagneux et en 2003 ŕ Metz. Elo actuel 2380. Meilleur classement : 2411 en 2005. Joueur, entraîneur, organisateur.Clubs français : Chaumont (1990-1994), Nancy (1994-2005) et Vandoeuvre depuis septembre 2005. J’ai appris ŕ jouer trčs tard ŕ 15/16 ans en 1990 ŕ Chaumont en Haute-Marne (ligue Champagne-Ardenne), en męme temps que le match de Lyon Kasparov-Karpov.

Francis DELBOE : tu es un autodidacte ?

Christophe PHILIPPE : Evidemment autodidacte en commençant si tard, je n’ai jamais eu d’entraîneur (ŕ part le Yeno432XL … pour les connaisseurs !) mais j’en profite pour saluer la mémoire du regretté Roger Lagrange, le papy qui accueillait les jeunes, classé dans les 1600, et qui a eu la patience de me mater 1000 fois avant que je ne lui offre un peu plus de résistance. Rapidement le simple divertissement du samedi aprčs-midi est devenu une vraie passion dévorante, ce qui m’a permis de rattraper peu ŕ peu mon retard initial. Je me rappelle que mon premier Elo (1850 au bout de deux saisons car il n’y avait qu’un classement par saison ŕ cette époque, et peu de tournois dans mon département) m’a procuré une joie incroyable lorsque je l’ai vu s’afficher sur l’écran du minitel…Eh oui, ŕ l’heure d’internet, qui se rappelle encore du fameux 36 15 FFE (ou un truc comme ça, non ?!) Pour faire court : les étapes suivantes furent les études (de biologie) ŕ Nancy, la découverte d’un grand club, les tournois, les nuits entičres de blitz ŕ la cité U (aďe pour les cours d’amphi ŕ 8h !), la rencontre des forts joueurs dont bien sűr l’actuel numéro 5 français au côté duquel je suis passé grosso modo de 2000 ŕ 2300 elo en 3 ans quasiment juste en blitzant (véridique!), et bien sűr la Nationale3 puis 2 puis 1 (actuel top16) dont je suis devenu joueur titulaire puis capitaine-joueur au bout de quelques années.

Francis DELBOE : Ton palmarčs ?

Christophe PHILIPPE : Niveau palmarčs, rien d’extraordinaire. Certes une progression ŕ peu prčs constante, mais jamais de grands coups d’éclats ! Pas mal de victoires en opens rapides et blitz, quelques gains de tournois longs mais jamais des trčs forts (je suis plutôt un abonné aux places d’honneur et aux 6,5/9 !), une dizaine de victoires en parties longues contre des GMI (dont Kosten, Shchekachev et Istratescu mon seul 2600+ battu…), quelques stars rencontrées mais de sévčres défaites ŕ chaque fois : Kasimdzhanov en interclubs belges (!), Van Wely et Adams en top16, et surtout Lautier ŕ la derničre ronde et ŕ la table 5 du Championnat de Paris 2000 avec comme enjeu les 7/9 et le gain du tournoi ex-aequo… Je m’en suis beaucoup voulu de m’ętre fait éclater rapidement avec les blancs en tentant une ouverture stupide, mais ça restera néanmoins un de mes souvenirs les plus marquant. Disons pour compenser que je suis un assez bon joueur d’équipe… jamais vraiment de mauvais scores en 10 ans d’interclubs haut niveau, et relativement efficace sous la pression. Avec mon pote Mouss Nezar notamment, nous avons souvent dű avoir des nerfs solides dans des rondes 10 et 11 de poule basse pour maintenir Nancy plusieurs fois.

Francis DELBOE : Vises-tu le titre de GMI ?

Christophe PHILIPPE : Oui. Quel autre objectif sportif peut avoir un MI ? Evidemment, de la part d’un joueur qui a appris ŕ jouer ŕ 16 ans et qui n’a par exemple jamais participé ŕ aucun championnat de France jeunes (je serais curieux de connaître le nombre de titrés français MI ou GMI dans mon cas !?), ça peut paraître fou !

Mais aprčs tout, j’ai seulement 15 années d’échecs dont 10 de compétition sérieuse Ť  dans les jambes ť, ce qui fait que je ne me sens pas encore usé… Je suis toujours heureux comme un gamin au moment de partir en tournoi. Disons pour ętre réaliste que mon objectif ŕ court ou moyen terme est d’abord d’atteindre le niveau d’un fort MI autours de 2450 elo. Ensuite, réaliser une norme de GMI dans une période de forme et avec un peu de chance est possible je pense. Mais en réaliser deux autres et passer les 2500 est autre chose, et demande bien plus de travail que ce que je fournis actuellement…

Francis DELBOE : Quel est le bilan du 4^čme Festival International de Meurthe et Moselle, dont tu es l’une des chevilles ouvričres ?

Christophe PHILIPPE : Excellent ! Un cru 2006 exceptionnel. Et pas seulement parce que nous avons encore fait 20 joueurs et 2 tournois de plus qu’en 2005 (c’était déjŕ le cas de 2004 ŕ 2005), mais aussi grâce ŕ une ambiance et des conditions excellentes. 110 joueurs, dont aucun n’a abandonné, 11 tournois réellement homogčnes et disputés, deux normes de MI dans un A trčs disputé, une belle empoignade finale entre 4 joueurs dans le B, une belle remise des prix, et aucun accroc…bref que du bonheur ! La réussite de la manifestation tient beaucoup aux compétences complémentaires et associées de trois personnes : moi pour le côté jeu/relations joueurs/internet, Stéphane Dupré du conseil général pour le côté relations politiques/logistique/locaux mis ŕ notre disposition, et l’arbitre/journaliste Vincent Moret qui est plus associé au projet qu’un arbitre classique. A son sujet, j’espčre bien qu’il va passer le diplôme supérieur en arbitrage pour pourvoir continuer ŕ officier l’année prochaine !

Francis DELBOE : n’es-tu pas attristé de ne pas pouvoir ętre joueur tout en étant organisateur ?

Christophe PHILIPPE : En 2005, le fait de jouer le tournoi A m’avait un peu gâché le plaisir d’organiser Ť mon ť tournoi. Cette année, je me suis vraiment amusé ŕ peaufiner et ŕ améliorer de nombreuses choses avant et pendant. Chaque jour de la semaine du festival, j’ai eu au moins une fois la question rituelle Ť tu dois ętre dégoűté de ne pas jouer, non ? ť. Eh bien non ! Je joue assez de tournois (plus de 120 parties longues par saison, et quasiment tous mes week-ends sont pris par des rapides ou des interclubs français, allemands, luxembourgeois ou belges) pour apprécier le fait de regarder les autres combattre une semaine sans moi dans l’année, et pour essayer de donner ŕ tous les joueurs les meilleures conditions de jeu possibles. Enfin, jouer un tournoi c’est souvent : se préparer/jouer/manger/dormir, puis… se préparer/jouer/manger/dormir …etc… Alors que l’organisation m’offre la possibilité d’utiliser bien plus de mes compétences et męme de pousser certaines ŕ leurs limites : diriger et coordonner, gérer un budget, renseigner et informer, composer l’effectif du tournoi A, rencontrer des politiques, des sponsors, des partenaires, anticiper les problčmes et chercher des améliorations, faire le journaliste, faire vivre le site internet du tournoi, et męme répondre ŕ des interviews télévisées… A ce sujet, je me suis trouvé assez mauvais dans celles de France3 et M6 visibles sur mon site. Promis, l’année prochaine je demanderai les questions ŕ l’avance et je débiterai des réponses préparées !

Francis DELBOE : Les Tournois fermés, quelle belle formule ! Pourquoi l’avoir choisie ?

Christophe PHILIPPE : Créer un éničme Open systčme Suisse ne m’intéressait pas. De plus, il existe déjŕ en lorraine un grand classique ŕ Metz en avril et depuis deux ans un autre excellent ŕ Vandoeuvre ŕ Noël. L’idée d’organiser un tournoi fermé ŕ norme était dans l’air ŕ Nancy depuis de nombreuses années. Puis, en participant au fantastique tournoi de Wijk an Zee, j’ai trouvé excellente l’idée d’ajouter au tournoi A pour trčs forts joueurs, d’autres tournois fermés pour tous les joueurs, quelques soient leur elo. Ainsi, ils sont sűrs de disputer 9 parties intéressantes, tendues et homologuées contre 9 adversaires de leur niveau, et ont ainsi l’occasion de participer ŕ une formule réservée normalement aux pros. La similitude avec Wijk an Zee s’arręte ici car je trouve leur Ť 13 rondes ť en 15 jours trop long, męme pour les professionnels ŕ qui j’en ai parlé. Je pense que nous avons une bonne formule ŕ Nancy avec les 9 rondes en 7 jours du lundi au dimanche, ce qui permet de limiter les jours de congés ŕ prendre pour les amateurs (et en ne piquant pas deux week-ends ŕ leur épouse !), tout en conservant une bonne qualité de jeu pour tout le monde, męme si les deux jours ŕ deux rondes sont bien sűr éprouvants. Le conseil général a comme chaque année été enchanté par la manifestation et ses retombées médiatiques, et je peux sans trop de risque annoncer pour l’année prochaine un 5^e festival avec comme projet un tournoi A ŕ norme de GMI, un B ŕ norme de MI, et peut-ętre un C féminin ŕ norme de MIF/GMF … et bien sűr tous les autres groupes sans lesquels la manifestation n’a pas lieu d’ętre. Dans mon esprit, le nombre de participants est aussi important que le niveau du groupe A. J’essaye de construire l’avenir et de faire progresser le tournoi pas ŕ pas.

Francis DELBOE : Comment se porte ton site Web ?

Christophe PHILIPPE : Eh bien, ŕ en voir le nombre de connexions, pas mal du tout ! En réalité, je ne l’ai créé que pour organiser le 4^e festival (car le comité départemental des échecs n’a pas de site), mais finalement je m’amuse beaucoup ŕ mettre de temps en temps des diagrammes, des analyses de parties, des résultats de tournois…La grande interview de Christian Bauer a réellement lancé le site fin novembre. La 2^e est en préparation…

http://philippechess.free.fr/

Francis DELBOE : Tous les observateurs furent stupéfaits en début de saison en apprenant que tu ne défendrais plus les couleurs de Nancy. Nous pensions tous que tu Ť faisais partie des meubles ť ! Pourquoi ce transfert ?

Christophe PHILIPPE : Aďe aďe aďe … certaines personnes t’auraient supplié de ne pas poser cette question ! Mais bon, vu que la personne responsable du gâchis incroyable vient d’ętre v…. euh pardon… Ť vient de proposer sa démission ť qui a été acceptée ( !) et que le temps est plutôt ŕ l’apaisement et au retour ŕ la normale, je vais te faire la version soft : je me suis beaucoup battu (avec d’autres) une saison entičre (2004-2005) contre une gestion du club humaine et sportive catastrophique et tragi-comique, due ŕ la nouvelle présidence et ŕ son bureau. Tout le monde au club - sauf 3 ou 4 personnes - a conclus que l’expérience avait assez duré. Seul problčme, et comme dans beaucoup de clubs je suppose, les candidats ŕ la présidence ne sont pas nombreux… Résultat : En AG de début de saison 2005-2006, alors que la personne trčs contestée a été réélue au comité du club en derničre position (ŕ deux voix de l’élimination!), aucun des autres dirigeants ne s’est néanmoins présenté pour la remplacer ŕ la présidence !! Et cela, malgré tous les problčmes et l’écroulement bien visible et progressif du club ! Cela m’a profondément déçu de la part des anciens du club, et persuadé que nous repartions pour une saison cauchemar (ce qui se passe effectivement), j’ai décidé de quitter le club que j’avais contribué (avec d’autres) ŕ faire progresser depuis 10 ans... Je n’ai pas été le seul ŕ ętre déçu car, pour la męme raison, plusieurs joueurs adultes et surtout la quasi-totalité du secteur des jeunes (plus de 50 jeunes dont de nombreux espoirs, ainsi que leurs entraîneurs) en ont fait de męme et ont męme créé leur club (Stanislas Laxou). Pour finir sur une note positive, les choses se sont améliorées récemment avec en cours de saison le changement de président, et je souhaite bonne chance aux personnes courageuses (malheureusement un peu tard) qui essayent de maintenir le navire ŕ flot…

Francis DELBOE : En général, dans le cadre des compétitions auxquelles tu participes, et dans le cadre de ton Festival en particulier, es-tu satisfait du travail accompli par les arbitres français ?

Christophe PHILIPPE : Définitivement oui. Evidemment tous ne sont pas au męme niveau. Mais je crois que nous n’avons pas trop ŕ nous plaindre de l’arbitrage en France. Dans le cadre du festival, le cas est un peu spécial car, comme je l’ai déjŕ dit plus haut, Vincent Moret est aussi  impliqué directement dans l’organisation.

Mais par exemple, depuis quelques années, j’observe l’ascension d’E.Variniac (du Nord je crois, non ?), que je ne connais pas personnellement mais qui m’a fait trčs bonne impression dans les tournois que j’ai joué et oů il officiait. D’ailleurs j’ai remarqué qu’il a gravi tous vos échelons et qu’il arbitre maintenant le National des championnats de France. Ca ne m’a pas étonné de le voir lŕ. Il est l’exemple type de l’arbitre discret, compétent, et qui n’a pas besoin d’ętre Ť grande gueule ť pour se faire respecter.