A la découverte de la Commission Technique : un entretien avec Sylvain RIVIER
Francis DELBOE : Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Sylvain RIVIER : 43 ans, divorcé, deux enfants (21 et 19 ans). Adjoint administratif dans un lycée. Je joue aux échecs depuis 1988 dans le męme club (La Dame Noire de Montigny le Bretonneux), je suis arbitre fédéral 1 et organisateur de tournois. J'ai été directeur technique de la ligue Ile de France pendant plusieurs années. Je joue beaucoup de parties par an (entre 30 et 60), et ma compétition préférée est la Coupe Jean-Claude Loubatičre. Mes autres passions sont le football (comme aime ŕ le répéter Jean-Claude ŕ tout le monde, je suis un des rares supporters du PSG encore vivant), la musique (j'ai une collection énorme de CD).
Francis DELBOE : Depuis quand es-tu le président de la Commission Technique ?
Sylvain RIVIER : Depuis janvier 2005 et l'élection de l'équipe de Jean-Claude Moingt dont je fais partie. Je ne désirais pas spécialement avoir ce poste, mais Jean-Claude a su me convaincre. Je faisais partie de la commission technique depuis 2003.
Francis DELBOE : Combien la CT a-t-elle de membres ?
Sylvain RIVIER : 13. Deux membres de droit : le président fédéral et le DTN (c'est Laurent Vérat qui tient ce rôle)
Parmi ceux qui faisaient déjŕ partie de la CT avant l'élection de 2005 : Jean-Christophe Basaille, Bernard Vincent, Jean-Luc Seret, Jean Peyrin et moi. Les "petits nouveaux" : Charles-Henri Rouah, Christophe Bernard, Jean-Baptiste Mullon, Jordi Lopez, Bernard Thinat, Etienne Mensch.
Francis DELBOE : Tous les membres sont-ils arbitres ?
Sylvain RIVIER : Non, pas tous, mais une majorité. Je pense qu'il est bon qu'il n'y ait pas que des arbitres dans cette commission. Il est vrai que les arbitres sont présents dans beaucoup de comités directeurs (de départements, de ligue
et ŕ la FFE), sűrement parce que la gestion d'une association les intéresse tout autant que leur tâche premičre d'arbitre.
Francis DELBOE : A quelle fréquence vous réunissez-vous ?
Sylvain RIVIER : Nous nous réunissons physiquement deux ou trois fois par an. Les échanges de mails sont nombreux et nous permettent de préparer les dossiers que l'on valide lors de nos réunions. A l'intérieur de la CT, il y a également des groupes de travail qui sont créés. Cette saison, un de ces groupes a travaillé (en collaboration avec la commission jeunes) sur le rčglement des compétitions scolaires. Un autre sur certains points du rčglement des interclubs.
Francis DELBOE : Quel est le rôle de la CT ?
Sylvain RIVIER : Elle en a de nombreux, qui sont listés dans le rčglement intérieur de la FFE. Parmi ceux-ci :
- contrôler toute la vie technique de la fédération
- assurer la gestion technique de la fédération dans le cadre du budget voté par l'AG
- assurer la participation de la France dans les compétitions internationales et la sélection des joueurs français. C'est Laurent Vérat qui s'occupe de ce volet, ainsi que les divers sélectionneurs.
- Veiller ŕ ce que les manifestations organisées dans le cadre des activités de la FFE respectent les rčgles d'application, les appellations officielles et les cahiers des charges de la FIDE et de la FFE.
- Etablir le classement annuel (Elo, Elo rapide). C'est Charles-Henri Rouah qui a ce dossier en charge. Stephen Boyd est chargé de transmettre les résultats ŕ la FIDE pour le classement FIDE
- Etablir le calendrier fédéral officiel des compétitions
- Gérer la direction des tournois et leur homologation. C'est Stephen Boyd qui accorde les homologations, avec mon accord.
- Etablir un rčglement pour les compétitions nationales, et de veiller ŕ leur bonne organisation
Ce qui est le plus visible des licenciés, c'est bien évidemment la parution du Elo, le rčglement des interclubs et
la composition des groupes de N1, N2 et N3 qui est trčs attendue chaque fin de saison. Je voudrais également préciser que les compétitions sont, depuis quelques années, gérées directement sur le site fédéral grâce au travail d'Erik Mouret qui nous a concocté un programme performant
et qui est amélioré chaque année.
Francis DELBOE : Quel est le rôle du président de la CT ?
Sylvain RIVIER : Le président de la CT a la charge de coordonner tout cela et de présenter les propositions de la commission au comité directeur. Il est le relais entre la commission et les élus fédéraux en quelque sorte. Il se doit d'animer les débats de la commission
en faisant passer les idées politiques du comité directeur. Ça, c'est pour le côté "obscur". Côté pratique, il doit organiser les compétitions, trouver des directeurs de groupes, veiller ŕ ce que les compétitions se passent dans un bon esprit, sans enfreindre les rčglements
et ce n'est pas toujours facile avec de mauvaises habitudes qui ont été prises. Bien entendu, il prend beaucoup de décisions en cas d'urgence, de cas bizarre (et il y en a !), doit faire le tampon, parfois, entre les directeurs de groupes et les équipes (si, si, ça arrive). Enfin (et c'est ce qui prend le plus de temps), répondre ŕ toutes les questions possibles et imaginables qui arrivent par mail, téléphone et courrier (oui, le courrier existe encore) venant de responsables de clubs, de ligues, de départements, d'arbitres, de directeurs de groupes, de simples licenciés
ou du président fédéral ! Le rôle du président de la CT est trčs important dans une fédération sportive, car si une compétition fonctionne mal, la fédération va mal. Le comité directeur décide d'une politique sportive, et c'est le président de la CT qui doit la faire appliquer sur tout le territoire. Lorsque je suis arrivé, beaucoup de choses qui existaient dans les rčglements n'étaient pas appliquées. Je fais en sorte qu'elles le soient
ou que les points des rčglements non appliqués (ou applicables) disparaissent. Deux exemples : en 2005, ŕ mon arrivée, beaucoup de clubs évoluant en interclubs n'avaient pas d'arbitre dans leur effectif (il y avait męme un club du Top 16 en infraction). En un an, malgré des grincements de dents, des insultes, des menaces, des cris d'horreur
tout est rentré dans l'ordre, ou presque. C'est une bonne chose. Deuxičme exemple : le comité directeur souhaitait que les résultats d'une ronde d'interclubs soit en ligne sur le site le soir męme. Cela fait deux saisons que je mets la pression sur les directeurs de groupes, et l'on peut constater un véritable progrčs ŕ ce niveau. Une chose que je précise toujours ŕ ceux qui m'en parlent : on dit souvent de moi que je suis sévčre, que je suis lŕ pour embęter les capitaines d'équipes, les clubs, les joueurs. Non. Je suis lŕ pour faire appliquer un rčglement. Dans toute compétition sportive, il faut des rčglements qu'il faut respecter. Dans notre fédération, peu sont ceux qui ont la culture sport. Un joueur non licencié n'a pas le droit de jouer. C'est simple comme rčgle. Comment certains peuvent-ils ne pas comprendre que je ne peux laisser passer une telle entorse ŕ nos textes ? Je ne sanctionne pas par plaisir, juste pour respecter nos textes qui doivent garantir l'équité sportive. Une compétition, un groupe, qui se déroule sans problčmes, il y en a, et ça fait toujours plaisir ! Je voudrais terminer sur cette question en précisant que ce travail demande beaucoup de disponibilité et de réactivité. Et également remercier mon prédécesseur ŕ ce poste, Jean-Christophe Basaille, qui a su me donner de bons conseils
Francis DELBOE : Que se passe-t-il lorsquil y a un désaccord portant sur une décision ŕ caractčre technique entre la CT et le CD ?
Sylvain RIVIER : La CT n'est qu'une commission. Elle ne formule que des propositions qui sont soumises au vote du CD. C'est donc le CD qui a le dernier mot. Il est vrai que pour la trčs grande majorité, les propositions sont acceptées par le CD. Qui mieux que la CT peut savoir ŕ quel endroit mettre la virgule au 3e alinéa de l'article 3.7.c ?
Francis DELBOE : Exerces-tu dautres responsabilités dans le monde des échecs ?
Sylvain RIVIER : Actuellement, je suis vice-président et
directeur technique de mon club. J'assiste également notre professeur du cours des débutants 1čre année (comme ça, je peux réviser la marche du cavalier). Je suis également au comité directeur de mon département et
arbitre fédéral 1. Enfin, j'organise plusieurs tournois pour mon club. Je suis également "chargé de mission" par la CT de la Ligue Ile de France pour préparer le tirage au sort des 10 groupes de Nationale IV, avec des chapeaux et des zones géographiques. D'ailleurs, on m'a surnommé le Sepp Blatter des échecs !
Francis DELBOE : Que penses-tu de travail accompli par le corps arbitral français ?
Sylvain RIVIER : Je ne sais pas si je suis bien placé pour en parler. De part ma fonction, je connais beaucoup d'excellents arbitres
mais aussi des arbitres de paille. Je m'explique : notre fédération possčde de trčs bons arbitres, c'est indéniable. Mais également de trop nombreux arbitres qui ne sont devenus arbitres que par obligation : il en fallait un au club. Je suis souvent sidéré par l'incompétence de certains. J'ai męme vu des arbitres accepter dans des tournois des joueurs non licenciés
des arbitres ne pas faire appliquer les rčgles du jeu. Je ne suis pas moins choqué par ceux qui arbitrent pour l'argent (oui, j'en connais, mais je ne citerai aucun nom) qui refuseront, par exemple, d'arbitrer un match de Coupe de France, mais arbitrent des "rapides juteux" trčs réguličrement. Lorsque j'ai fait mon stage S2, j'ai été surpris de voir le nombre important d'arbitre AF3 sachant ŕ peine faire des appariements "ŕ la main". Il y a eu une formation massive d'arbitres ces derničres années, c'est une bonne chose. Mais, selon moi, de trop nombreux arbitres n'ont en fait pas la vocation
arbitrent trop peu pour se forger une expérience trčs utile sur le terrain.
Combien d'arbitres en France savent régler facilement 3 types de pendules électroniques en cadence Fischer ?
Combien d'arbitres en France envoient un rapport technique complet et dans les délais aprčs un tournoi ?
Combien d'arbitres en France savent correctement organiser un Molter ŕ 7 équipes de 4 joueurs en 3 rondes ?
Combien d'arbitres en France vérifient vraiment les licences des joueurs ?
Combien d'arbitres en France sont réellement conscient que, lorsqu'ils officient, ils représentent la FFE et non un club, un pouvoir quelconque, ou eux-męmes ?
Celui qui connaît les réponses ŕ ces questions saura ce que je pense vraiment du corps arbitral français.
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